Le santur est un instrument dont la sonorité est tout à fait originale et exceptionnelle ; les quatre cordes qui vibrent à l’unisson quand on joue une note, de même que la longue durée de réverbération de chaque note, donnent au son de cet instrument un caractère tout à fait particulier et obligent le musicien à accorder ses soixante-douze cordes avec le plus grand soin ; le musicien est en plus obligé de changer son accord lorsqu’il change de dastgâh et lorsqu’il exécute un morceau, ses possibilités de moduler dans un autre dastgâh sont extrêmement réduites. A cause de ces difficultés, beaucoup de musiciens contemporains ne persévèrent pas dans l’apprentissage ou le perfectionnement du jeu de cet instrument.
D’autre part, l’exposition du radif avec un santur est un exercice extrêmement difficile, et pour l’auditeur, l’écoute d’une longue série de gusheh devient facilement monotone, car l’instrument ne donne pas la possibilité d’exécuter des figures comme les vibrato ou les glissando, et si certains musiciens ont essayé d’exécuter ces figures, ils sont vite tombés dans la fantaisie. De plus, le joueur de santur n’a de contact avec son instrument que par l’intermédiaire de ses deux baguettes, alors que tous les autres instruments iraniens sont tenus directement par une partie du corps de l’exécutant ; le joueur de santur est isolé de son instrument et n’a pas avec lui ce rapport affectif tellement important pour les autres musiciens.
Pour ces raisons, le santur est considéré par de nombreux musiciens comme un instrument défectueux (par rapport aux autres), le santur offre des possibilités inédites comme celle de pouvoir répéter très rapidement une frappe gauche ; cette figure est largement utilisée lors de l’exécution des chahâr-mezrâb. De plus, les cordes, toujours frappées à vide, offrent une résonance plus brillante que les luths ou les vièles, résonance que le musicien doit savoir dompter par un accord parfait.
Toutes ces remarques nous permettent de dire que l’acquisition de la maîtrise pour un joueur de santur est beaucoup plus difficile que pour un autre instrumentiste, et ceci est confirmé dans la réalité historique.

L’enseignement traditionnel de la musique, pour tous les instruments, est oral, ou selon l’expression d’usage ‘’de bouche à oreille’’ ; à partir des premières notations pour le santur (1946), l’enseignement du jeu de santur a commencé petit à petit à se transformer sans jamais faire disparaître complètement l’enseignement traditionnel.
Dâryush Safvat (1928-2013), (1966 : 191-192) décrit l’enseignement musical et divise l’apprentissage d’un instrument en trois étapes : « lors de la première leçon, le maître montrait à l’élève comment tenir l’instrument, ou la façon d’émettre la voix. Puis, il improvisait de courtes phrases que l’élève devait reproduire et apprendre par cœur. Ensuite, c’étaient des mélodies simples, qu’à ce stade le maître privait d’ornements, et des fragments du radif également simplifiés. … On abordait une deuxième étape, très importante : le travail avec le zarb. … Enfin, l’élève abordait le troisième cycle : accompagner un chanteur, ou plutôt, comme on dit en persan : ‘’répondre‘’ à un chanteur. » Cette description de Safvat existe finalement encore aujourd’hui en ajoutant, tout au long de l’apprentissage, la lecture de notes. Pour ce qui est du santur, les notations utilisées étaient le radif de Abolhasan Sabâ, jusqu’à ce que Nur Ali Khân Borumand (1905-1977), rassemble, entre 1969 et 1973, sa version du radif de Mirzâ Abdollâh.
En 1959, une assemblée de maîtres s’était formée pour choisir lequel, parmi tous les radif existants, serait le radif de référence pour la musique authentique ; cette assemblée choisit alors le radif de Mirzâ Abdollâh. C’est en 1968 que Safvat prit la direction du tout nouveau ‘Centre de Préservation et de Diffusion de la Musique’ et invita Borumand comme professeur au sein de cette institution ; Borumand y enseigna pendant cinq années, en même temps il enseignait à la faculté des Beaux Arts de l’Université de Téhéran. Safvat était lui-même, depuis 1966, enseignant de santur dans cette faculté.
Il est vrai que personne n’a jamais écouté ce fameux enregistrement du radif de Mirzâ Abdollâh que Qahremâni a effectué en privé chez Borumand ; Borumand a par la suite arrangé cet enregistrement selon une classification méthodique et logique, puis a sans doute effacé l’original.
En conséquence, il subsiste aujourd’hui deux méthodes d’apprentissage du santur ; le radif de Sabâ et Farâmarz Pâyvar (1933-2009), qui est enseigné au Conservatoire de Musique, et le radif de Mirzâ Abdollâh selon Borumand qui a cours à l’Université. Evidemment, un joueur de santur confirmé aura à cœur de connaître ces deux radif en complétant ses connaissances auprès de maîtres en privé.

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