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nozhâ

photo (Psaltérion-France-vers-1500)

 

Abu Nasr Farabi (872-950), dans son traité intitulé musiqi al kabir, et Ibn Sina (980-1037) mentionnent des cithares ou des instruments dont les cordes sont jouées à vide, le ma’azif, le sunûj (harpes et cithares) ainsi qu’un autre instrument de la même famille , ainsi que des instruments que l’on frappe de marteaux comme le sanj’jini (xylophone) .

Le poète persan du XIIe siècle Manûchehri (mort en 432 de l’hégire), poète de l’époque Qaznavide (962 à 1187), mentionne le santur dans un de ses textes. Mais Menâ, dans son livre , a des doutes sur ce que recouvre ce mot. Il compare les cinq manuscrits de Manûchehri et ne trouve qu’une seule fois le mot santur (et dans les autres versions les mots sheypûr et samtûr). Ni Qot’boddin Shirâzi (1236-1310), dans son encyclopédie dorratol tâj (Les perles de la couronne), ni Abdolqâder Marâghi (mort en 1434) dans son traité Jâme’ol al-alhân (Somme des Mélodies) ne mentionnent le santur .

J’ai consulté plusieurs manuscrits en langue persane concernant la musique persane, conservés à la Bibliothèque Nationale de France . Parmi les six traités étudiés, un seul a attiré notre attention, dans lequel sont représentés deux instruments de la famille des cithares sur table. Ce traité, intitulé kanzol’ tohof et écrit par Hasan Kâshâni, a été consulté et commenté en Iran par Binesh . On peut trouver aussi un exemplaire de ce traité à Londres. Amnon Shiloah dans un article intitulé Des instruments de musique d’Islam, reproduit des images des instruments trouvés dans le traité de Kâshâni. Selon Binesh, ce traité, écrit sans doute entre 741 et 764 de l’hégire , est l’un des plus importants ouvrages sur la musique persane parce que nous y trouvons des images des instruments et leur organologie. Ce traité de musique a été réalisé par Èmir ibn Khidr Mali el-Meulevi dans la ville de Constantinople en 838 de l’hégire . Il est divisé en une préface et quatre discours ; la préface traite de l’excellence de la musique et de sa supériorité sur les autres arts . Nous nous intéresserons au troisième discours, celui qui concerne les instruments, leurs noms et leur organologie. Les noms des instruments à vent et à cordes décrits et figurés dans le troisième discours sont ûdrabâbmizmârnozhamoghanighânûnchangpiche . Voyons les deux instruments de la même famille que le santur, le nozha (psaltérion) et le moghani, conçus par Safieddin Ormavi.

Le santur et les instruments de la même famille

Pour étudier les instruments anciens, nous devons nous appuyer sur les découvertes archéologiques et les documents iconographiques. Heureusement, nous pouvons trouver, en Europe, beaucoup de représentations iconographiques concernant la famille des cithares sur table.

La cithare sur table à cordes frappées

L’origine de l’instrument est mêlée à celle des harpes, du psaltérion et des tympanons d’Asie. Son nom serait d’origine araméenne. Dans une sculpture assyrienne qui représente une cérémonie en l’honneur d’Assurbanipal (667-626 av. J.-C.) figure, semble-t-il, une esquisse d’un ancêtre du santur : on y distingue une caisse évidée portant douze cordes que le joueur frappe de la main droite avec une baguette, tandis que sa main gauche semble exercer une pression sur les cordes pour faire varier leur sonorité et leur hauteur . Schaeffner affirme que « tous les instruments à cordes tendues sur une table d’harmonie, le khin d’Extrême-Orient, le santur ou le qanun, le cymbalons hongrois aussi bien que notre clavecin et notre piano proviendraient peut-être de cette cithare à corde unique, lancée sur des pièces en forme de radeau de gouttière, de cuvette ou de bouclier et dont nous ne retrouvons aujourd’hui d’exemples qu’en Afrique orientale, vers la région des grands lacs ».

Cymbalum ou tympanon

Christian Meyer , dans sa réédition de Sebastian Virdung, décrit la cithare à cordes frappées hackbrett (tympanon) à douze cordes réunies par paires en six chœurs. « Les plus anciennes représentations [européennes] du tympanon (XVe siècle) […] Les rares instruments conservés sont du XVIIe et du XVIIIe siècle. De 25 à 30 notes, en chœurs triples ou quadruples. […] Un inventaire hollandais de 1759 signale un tympanon de Johannes Couchet (1615-1655), le célèbre facteur de clavecins anversois. […] De la deuxième moitié du XIVe siècle au XVIe siècle, le tympanon est mentionné dans quelques sources de langue néerlandaise sous le nom de santoer (« santur »). […] En français tympanon et psaltérion » .
Dès le début du XVIe siècle, le tympanon est complètement développé. Sa caisse de résonance a toujours la forme d’un trapèze isocèle. Le tympanon est joué au moyen de deux marteaux minces et souples, courbés à l’avant où ils comportent généralement une surépaisseur garnie de feutre. Sans doute que« l’instrument aurait été imposé dans nos régions par les croisés au XIIe siècle » .

Miczaf

Tympanon : le nom miczaf dérive de l’araméen, qui lui-même provient du grec jalterion.
Les yanggûm conservés en Corée (photo couleur Chang Sa-hun, p. 744) ressemblent en de nombreux points aux tympanons des Flandres présents dans l’ouvrage de Hubert Boone (n° 15 et 16), datés probablement du XVIIe ou du XVIIIe siècle, plus encore qu’aux salteri italiens de fabrication allemande du XVIIIe siècle , en particulier la forme des deux barres de chevalets ; en revanche, les instruments coréens ne portent pas de rosaces.
L’instrument chinois est peut-être du XVIIIe siècle, en bois laqué rouge, aux angles arrondis, et comporte 2 ouïes en rosace, 2 chevalets et 36 cordes. De même, les tympanons des premières illustrations en Chine comportent deux ouïes.

Qânûn

L’ouvrage d’Amnon Shiloah, contient une illustration montrant un musicien pinçant les cordes d’un instrument en forme de trapèse rectangle et l’auteur mentionne le terme santur ou santir qui fait référence à l’instrument appelé qanun par les égyptiens. Il existe donc un lien indéniable entre ces deux instruments. Ces deux types d’instruments ont été souvent confondus.

L’origine du mot « santur »

Il n’est pas facile de parler de l’étymologie et de la similitude phonologique du mot santur. Différentes désignations existent. Cet instrument apparaît en Orient et en Occident vers le XVe siècle. Le santur porte des noms différents, par exemple santoor, santuri, santîr ou santur et, dans l’Antiquité, il fait partie de la famille du psanterîn, et du psaltérion.
Le chapitre III du Livre de Daniel, rédigé en araméen vers 164 av. J.-C., fait état (à trois reprises : 3, 4,10) d’un instrument nommé fsanterīn, dans la liste des instruments joués pour la dédicace d’une statue en or érigée (« dans la province de Dura, dans la plaine de Babylone ») par le roi chaldéen Nabuchodonosor. La Bible de Jérusalem traduit ce terme par « psaltérion », suivant en cela la Septante tandis que la version arabe de la Bible proposée par les Pères Jésuites propose le vocable « santīr », apparemment emprunté à la désignation arabe et persane de la cithare planche de l’époque moderne, la plus proche phonétiquement de l’expression araméenne « fsanterīn » .
Safvat affirme : « Dans la Bible, on relève le mot santur, qui serait araméen. Le santur aurait une origine hébraïque. Né en Orient […], le psaltérion lui ressemble comme un frère » . Curt Sachs affirme que le qānūn et le santur (ou santị̄r) proviennent tous les deux de l’ancien psaltérion grec, terme également utilisé pour désigner la cithare médiévale européenne . Villoteau mentionne le santur en Egypte vers 1800 . Villoteau donne comme évolution des noms santyr (arabe), pisantyr (égyptien), pisanterin, phisanterin (assyrien), pisanterion, pisalterion, psalterion (grec), pypsaltêrion (copte). Le mot vient, d’une part, du grec ancien pasallo (vibration ou chant sacré), et d’autre part de saltiri, de l’hébreu psantîr, et de l’araméen psantria. Le mot santoer apparaît en néerlandais comme une traduction de l’hébreu nebel, dans le Psaume 150. Ce mot dérive phonologiquement des mots psalterion ou même santori(e) / sanctorie. Des instruments similaires au santur dans sa forme actuelle sont très appréciés en Europe et en Orient ; en Chine, il porte le nom de yang qin, au Cambodge c’est le khom, au Viêtnam c’est le dan tam thâp luc, en France c’est le dulce melos ou tympanon, en Suisse, en Autriche, en Allemagne et en Slovénie c’est le hackbrett, en Italie c’est le salterio. En Ouzbékistan c’est le chang, en Inde il garde le terme de santur, en Grèce c’est le santuri et en Hongrie c’est le zimbalom.

Migration de l’instrument

Le poète persan du XIIe siècle Manûchehri dans son divan (recueil de poèmes), mentionne sans doute le santur.
Il me semble que cet instrument existe en Iran depuis le XVe siècle.
Cet instrument est très apprécié à l’époque de Shâh Abbâs (1571-1629). Il est souvent cité dans les carnets des voyageurs européens. Il est difficile de déterminer précisément sa migration à partir de l’Iran. Sa légèreté et sa dimension réduite lui permettent de voyager facilement. Mehdi Forûq mentionne la présence du santur en Europe à l’époque de la Renaissance. Nous pensons que le santur existe déjà bien avant son apparition en Occident. Il arrive d’Orient et de l’Asie mineure par l’Italie et les Balkans. L’instrument arrive du Proche-Orient en Europe occidentale, à la période des croisades, sous la désignation de « santur ». During écrit qu’« un genre de santur, connu des Hébreux sous le nom du psanterin, aurait été introduit en Europe par les croisés ».

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