Je partage la même idée que Taqi Binesh (1911-1996) qui écrit que malgré l’authenticité et l’ancienneté de la musique persane , il nous manque une histoire précise et tangible avec laquelle on pourrait suivre la continuité de cette musique. C’est pourquoi je suis obligé, parfois, de me servir des œuvres des anciens grands poètes iraniens, mais leurs écrits, comme l’affirme Binesh , ne sont pas basés sur une recherche scientifique et sont plutôt abstraits. Il faut noter que nous faisons une différence entre le santur et les instruments appartenant à la famille des cithares sur table ou sur planche.

Concernant les instruments, il ne nous reste que quelques traités anciens dans lesquels nous pouvons les étudier, mais pour le santur, il est très difficile de trouver des renseignements précis.

La description la plus ancienne d’un santur (santîr) provient d’un manuscrit égyptien du XIVe siècle conservé dans le musée du Palais Topakpi d’Istanbul . Une illustration montre un musicien pinçant les cordes d’un instrument en forme de trapèze rectangle et mentionne le terme santur.

La plus ancienne représentation du santur date de la fin de XV siècle . Il est représenté aux côtés d’un chang et d’un luth, formant un trio joué par des musiciennes. C’est par ce biais que de nombreux éléments de lutherie européens ont pénétré en Iran.

Un des rois de la dynastie Safavide, Shâh Tahmâseb (1524-1576), déclara la musique illicite (harâm) ; de nombreux musiciens iraniens émigrèrent donc vers l’Inde et tous les métiers se rapportant à la musique devinrent le monopole de la minorité juive.

L’existence du santur est confirmée à Esfahân à l’époque Safavide (1502-1722), mais on ne trouve nulle part le nom d’un maître ou joueur de santur . Pourtant, pour cette époque, Mash’hûn cite le nom de vingt-deux autres musiciens . Sans doute cet instrument est-il très apprécié à l’époque de Shâh Abbâs (1571-1629), car il est souvent cité dans les carnets des voyageurs, sans les noms des instrumentistes. Tavernier raconte qu’il a été invité par le Shâh à une soirée musicale : « Aprés qu’elles eurent fait quelques tours de danse, le Roy leur fit signe de se retirer, & voulut nous faire entendre sa musique. Elle estoit composée de voix & d’instrumens, & ces instrumens approchent en quelque sorte de la maniere des nôtres. Il y avoit une espece de lut, & une forme de guiterre avec une petite épinete, & deux ou trois grosses flûtes » .

A la même époque, Ali ufkir (1610-1675), d’origine polonaise, linguiste, poète et chroniqueur, devient maître de musique et joueur de santur. A la cour ottomane, essentiellement à l’époque de Selim III (1789-1807), beaucoup de musiciens sont persans. Il apparaît également sur les fresques de Chehel sotûn, célèbre monument d’Ispahan bâti au XVIIe siècle .

Entre 1881 et 1884, l’archéologue français Marcel Dieulafoy effectue deux voyages en Perse au cours desquels il assiste à un mariage dans le quartier Jolfâ d’Isfahan. Il rapporte la présence d’un joueur de santur parmi les musiciens.

Dans le cimetière de Jôlfâ (quartier arménien d’Isfahân), il était courant de sculpter sur la tombe du défunt une stèle rappelant la profession de celui-ci. On a retrouvé la pierre tombale de ce musicien, joueur de santur au XVIIe siècle ; cette découverte montre non seulement que le santur était un instrument couramment utilisé à cette époque, mais aussi que les musiciens étaient bien souvent de confession non islamique. Curieusement, ce santur ressemble plutôt à un santur indien qu’à un santur iranien. Le santur iranien est trapézoïdal et l’indien est plus carré. La tête du mezrâb est en forme de la lettre ع (lettre arabe) comme dans la calligraphie persane (sols) et le mezrâb du santur indien est courbé. Le santur iranien a deux fleurs sur sa base et l’indien une seule.

Il faut noter que l’apparition de cet instrument dans la musique savante pourrait être relativement tardive, car il n’en existe aucune représentation antérieur à l’époque Qâjâr (1786-1925). Il est donc bien difficile d’affirmer quoi que ce soit sur l’origine de l’instrument.

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