Existait-il une école pour le santur ? Est-ce que les joueurs de santur (ou certains d’entre eux) se sentaient en relation les uns avec les autres ? Dans l’affirmative, quelles raison donnent-ils pour expliquer leur relation.

Existe-t-il, un répertoire propre au santur classique qui pourrait sans doute nous conduire vers énumération exhaustive de tous les joueurs de santur depuis 1949 ?

Quelles sont les « écoles » reconnues comme telles (ou similaires), qui permettent de suggérer quelques conclusions. J’ai rencontré à de nombreuses reprises des santuristes partagent compétence artistique professionnelle. Les musiciens, bien souvent, ne sont pas aimables entre eux et, la plupart du temps, préfèrent parler de ce que les autres ne savent pas faire plutôt que de ce qu’ils savent faire. En plus, notre société est complexe et pleine de paradoxes. En tant qu’iranien, j’ai souvent des difficultés à comprendre mes compatriotes.

Sur la définition du terme « école » : ce terme est, en tout cas, plus facile à appréhender dans le domaine de la peinture, comme par exemple en France l’école de Barbizon, que dans le domaine de la musique ; des personnages comme Olivier Messian ou Nadia Boulanger représentent-ils une école à eux seul ?

Les rôles de Nadia et de sa sœur Lili dans les champs d’action qui leur furent propre sont multiples : pédagogie, constitution de réseaux, diffusion de répertoires, interprétation, composition.

Ce sont « ses remarquables qualités qui on fait d’elle (Nadia) une exceptionnelle pédagogue, interprète, chef de cœur et chef d’orchestre, et mentor ». Au sujet des critères définissant la notion d’ « école », je dois distinguer la différence entre une institution pédagogique et un groupe de musiciens qui partagent les mêmes critères.

Dans la terminologie anglaise ou allemande, le terme d’  « école » est habituellement associé à un groupe de compositeurs. Ils adoptent naturellement des formes esthétiques communes, Ainsi la dénommée « école de Mannheim », regroupait, au XVIIIe siècle, des compositeurs connus pour écrire des symphonies avec des caractéristiques reconnaissable. On les associait aussi avec un lieu géographique (Mannheim), mais il y avait aussi des musiciens qui composaient dans le style de Mannheim sans pour autant vivre dans cette ville. On les associait généralement à un mentor qui enseignait à certains d’entre eux, (Johann Stamitz), mais cette association n’a pas été, plus tard, obligatoire pour que les musiciens soient reconnus comme membre de cette école. On peut aussi faire référence au terme d’  « école de violon » de Leopold Auer, un maître qui enseigna à beaucoup de célèbres violonistes en Europe et en Amérique du Nord. Ici, les techniques communes de jeu, d’apprentissage et d’exercice semblent être des critères bien plus fondamentaux que les modèles de choix du répertoire.

Comment appliquer tout cela dans le cadre de la musique Iranienne. Il faut donc essayer d’observer le style des différents joueurs de santur et tenter de les regrouper en fonction de ce critère. Puis il faut prendre en compte trois autres critères : le répertoire des instrumentistes, leur enseignement et leur filiation.

D’une manière générale, il me semble qu’une école prend naissance avec un pédagogue qui possède sa technique caractéristique et sa lutherie. Il rassemble autour de lui des disciples qui s’imprègnent de son répertoire et de son enseignement ceci dans un cadre initiatique qui est une des dimensions de cette école. Cette formule du terme « école » peut se retrouver en Irak et en Inde. Parmi les traditions musicales, c’est celle de l’Inde qui a le plus souligné l’aspect initiatique de l’enseignement, à travers des lignages musicaux appelés « gharânâ », dans une relation maître-disciple.

Sur le terme d’école en Irak, et sur son fondateur Sherif Muhyieddin (Directeur de l’école de luth de Bagdad de 1937 à 1948).

Sherif Muhieddin Heydar est né à Istanbul en 1882 (m. 1967), et arrive à Bagdad en 1936. Il a fondé l’école de Bagdad qui devint par la suite « Institut des Beaux-Arts de Bagdad », école qui s’est considérablement développé plus tard, en s’ouvrant à d’autres domaines artistiques.

En 1938, il transforme la section en école indépendante, qui prend le nom d’Institut de Musique de Bagdad, dans laquelle on étudie la musique occidentale et arabe.

La formation musicale de Muheyieddin est impressionnante dans le domaine de la musique orientale et occidentale.

Enfant, il a écouté de grands artistes comme Ali Reafa, Raouf Yekta Begh et Aref begh qui venaient chez son père. Et il commence à apprendre le ud. Il a étudié pendant quatre ans le violoncelle à Istanbul avec Iskeri (1905-1909), En 1924, il s’installe à New York où il rencontre L. Godousky, Kreisler, Heiftz, Auer, et étudie de manière approfondie le violoncelle avec Voskka. Il s’intéresse au panislamisme, panarabisme et au pantouranisme, est exilé à New York. Puis, à Bagdad, il s’imprègne du cosmopolitisme artistique et de l’universalisme musical avant de regagner le pays natal.

Muhieyddin s’est beaucoup déplacé à travers le Moyen-Orient pour étudier la construction des luths. Il arrive à Bagdad avec sa lutherie et c’est luthier Mohammad fadel, membre de l’Institut qui a finalement réalisé des modifications notoire sur le ud. (Le ud à cordes tirées qu’on appelle en Irak ud Sahib). Parmi ses élèves les plus célèbres, on peut citer Jamil et Munir Bashir et Salamn Shukur. Jamil deviendra son assistant en vertu d’un acte sans valeur en Occident, lequel a une portée historique et ineffaçable en Orient. Muheyyeddin lui fera cadeau de son ud, considéré alors comme un sceptre. C’est Jamil Bashir qui aux yeux de l’Irak, et selon les témoignages de Muheyeddin. Jusqu’à sa mort, puis de Safiya Ayla, sa veuve, est l’héritier idéal de cette école. Dans ce cadre on peut bien reconnaître un maître pédagogue, un lieu d’enseignement et ses répertoires, une filiation et une lutherie.
L’école a été créée par un pédagogue, avec sa technique et sa lutherie, Ainsi, dans un sens, le terme d’ « école » se rapporte à un groupe de musiciens et celui de « style » aux particularités de leur musique, mais ces deux concepts coîncident souvent (l’ « école » partage un « style ») tout en n’étant pas synonymes. La technique est ce qui permet d’exprimer un style.

En Iran, c’est l’interprétation du radif qui produit des différences dans le style de jeu de chaque instrumentiste. La manière de jouer prime sur la mélodie. L’interprétation du radif est tellement importante qu’elle influence définitivement le style de musicien : Abol Hasan Saba et Rouhollah Khaleqi (1906-1965), tous deux élèves d’Ali Naqi Vaziri (1857-1979), ont des styles très différents, différents aussi de celui de leur maître. De même la technique, et donc l’apprentissage, prend aussi de l’importance, puisqu’elle est nécessaire à l’expression d’un style.

J’ai eu la difficulté de tenter de retrouver un contexte similaire dans le cadre de la musique de l’Iran pour savoir si cette nation d’ « école » existe. La première difficulté se trouve dans le terme lui-même (maktab en persan), qui est trop vulgairement employé et galvaudé par les musiciens ; le mot est trop souvent utilisé uniquement pour flatter un musicien dans les relations sociale en Iran, le ta’arof et l’hypocrisie peuvent, par définition masquer de nombreuse réalité.

Une école prend naissance avec un pédagogue, qui possède sa technique caractéristique et sa lutherie, un lieu et un répertoire ; Il rassemble autour de lui des disciples qui s’imprègnent de son répertoire et de son enseignement ceci dans un cadre initiatique qui est une des dimensions de cette école.

En Iran on peut parler d’une institution pédagogique et un style (shiveh), qui passe forcément par Pâyvar qui, a noté et établi une méthode d’apprentissage et un répertoire pour cet instrument à partir de plusieurs versions de radif. On peut espérer que le style de Pâyvar trouvera sa descendance, ce qui permettra de mentionner « école de Pâyvar ».

•   Entretien avec Bruno Nettl.
•   Hassan Tabar, Le santur persan, Geuthner, 2013
•   Alexendra Laederich, « qualque chose de très raffiné et de très musical : La collaboration avec Nadia Boulanger et Marie-Blanche de Polignac », in Nadia Boulanger et Lili Boulangers et études, Lyon, Symétrie, 2007, p. 5
•   Sylvia Kahan, p. 85
•   Jean Claude Chabrier, Un mouvement de réhabiliation de la musique arabe et du luth orientale, l’école de Bagdad de Cherif Muhieddin à Munir Bachir, Thése, Université de Paris-Sorbonne, 1976 (2 vol)

•   Entretien avec Jean Claude Chabrier
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