Le nécessaire rappel historique de mon exposé, revenant à la situation du début des années 80, s’alimentera de mon propre vécu pour élucider un paradoxe. Pourquoi, alors que le régime en place n’autorisa plus qu’un seul genre musical (celui dit « traditionnel »), suis-je précisément venu à Paris étudier la pratique de cette même musique traditionnelle ? Observateur et participant, voici les conclusions auxquelles cette question m’ont conduit dans une démarche que je qualifie de « sociomusicologie » ;

Il y allait de la plasticité des mots pour contourner un interdit. En effet, la Révolution islamique fut peut-être coercitive sur les mœurs mais inopérante sur les sensibilités. Le goût musical de la jeunesse, tel qu’il avait forgé à l’écoute de la variété internationale lors de la décennie précédente, ne put se satisfaire des canons traditionnels brusquement imposé à tous. Il les a donc contournés ; le mot « classique » se mit à prévaloir, véhiculant une matière musicale qui épousa peu à peu le courant qu’on appela depuis « world music ».

Ce déplacement sémantique ne resta pas sans effet sur les pédagogies musicales. L’ancienne relation de maître à élève, relation traditionnellement intime (autant pour éviter les foudres de loi que contribuer à l’émotion esthétique), disparut au profit d’une institutionnalisation des pratiques. Des conservatoires de quartier furent promus à grands renforts de publicité. Des associations musicales furent subventionnées. L’enseignant musical devint un métier à part entière.

A partir des années 2000, je me suis appliqué à une enquête de terrain afin de savoir si cette professionnalisation contribua à grandir la tradition ou à la sortir de son creuset. L’objet de mon étude me conduisit à orienter cette recherche sur deux axes.

Un premier axe fut d’ordre musicologique. La massification de la pratique musicale favorisa-t-elle l’éclosion d’une nouvelle texture musicale rendant caduque la sonorité privilégiée par les anciennes écoles traditionnelles ? Des témoignages de luthier nous aideront à répondre à cette question.
Mais, d’autre part, (et c’est là notre second axe, plus sociologique), cette professionnalisation, dans un pays traversant une crise économique (les divers embargos) autant que des valeurs (la nécessité de se distinguer des islamismes montants), ne donna-t-elle pas une impulsion à une féminisation de ce métier d’enseignant, chose jusqu’alors inédite ? Des témoignages de femmes musiciennes seront sollicités pour répondre à cette dernière question.

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